vendredi 5 août 2016

Tout au long de l'année 2016, sur l'invitation du musée de Salagon, Vincent Matyn-Wallecan et Bat Sheva Papillon proposent une série d'installations sonores sur le thème de la couleur, dans le cadre du projet Voir autrement.

Rouge antenne

Les couleurs, comme le son, offrent des expériences de perceptions très subjectives, très personnelles. Elles ouvrent un univers de vibrations, de mémoire, et de langage. L'intention de Rouge antenne, c'est de donner à la couleur une expression sonore, comme un prolongement vers l'intérieur du corps. Parce que la voix, le son, c'est l'accès à l'intimité. L'écoute attentive, c'est une découverte. Écouter sans regarder permet de ressentir directement, sans être interrompu par l'image, qui envoie ses signaux instantanément, tandis que le son se déploie dans la durée. Et l'écoute collective, c'est un moment de partage : parce que l'on est ensemble, on écoute différemment. On écoute avec ce que l'on sait de l'autre, même si on ne le connaît pas. Partager un moment d'écoute, surtout si on prend le temps d'en parler après, c'est créer un moment de culture commune. Créer des moments de culture commune, même éphémères, ça fabrique un musée.

Il faut le faire avec délicatesse, car nous aimons aussi le silence. Nous aimons pouvoir regarder sans entendre, et entendre sans regarder. C'est pourquoi, dans les espaces intérieurs et dans les jardins de Salagon, nous proposons des prolongements (aux lieux, aux œuvres) et pas des superpositions.

Créer des moments d'écoute

Dans un musée, le son peut exister comme œuvre, comme occasion d'une expérience artistique. Il peut aussi être une trace, un document, une mémoire. Il peut créer des liens. Avec le projet Rouge antenne, nous expérimentons ces différentes dimensions. Nous imaginons des propositions d'écoute qui ne soient pas strictement individuelles. Entre l'écoute au casque et l'écoute collective dans un auditorium, nous sommes à la recherche de solutions intermédiaires, qui permettent à la fois l'expérience intime, et le partage de cette expérience.

Les visiteurs du musée de Salagon ne viennent pas, à priori, pour écouter du son. Le silence fait partie de l'expérience du lieu - un silence très habité cependant : oiseaux, insectes, grenouilles, et la route ! Les installations sonores peuvent, d'abord, être perçues comme des corps étrangers. Ce sont effectivement, à Salagon, des hétérotopes, des lieux décalés par rapport à l'ensemble. C'est via cette étrangeté qu'ils peuvent, parfois, devenir des espaces pour l'imaginaire, des mini-territoires où les visiteurs peuvent se poser, se laisser prendre. Et arriver au cœur même de la proposition : entendre, très précisément, des histoires de couleur.

Écouter les couleurs

Les perceptions de la couleur appellent d'autres perceptions, elle permettent d'explorer l'histoire individuelle et collective. Dans nos enregistrements et nos réalisations sonores, nous cherchons à faire émerger des évocations, des associations, pour une poésie documentaire, qui tisse des liens entre les couleurs et les choses.

Vincent Matyn-Wallecan est allé à la rencontre de femmes qui ont développé des liens fort avec la couleur. Avec les mots de la couleur, souvent issus de noms de plantes, il a composé des poèmes sonores. Bat Sheva Papillon a saisi des moments de visite et d'ateliers à Salagon, pour en faire des bulles sonores à partager. A partir de la matière sonore récoltée tout au long de l'année, nous proposons des formes diverses : sous un parapluie rouge, dans la salle Pierre Martel, nous avons fait entendre Dotée, ou atteinte. Dans la forge, la voix de Tachka Sofer fait le lien entre les couleurs et les plantes présentées dans l'exposition. Pendant les Rendez-vous aux jardins, nous avons proposé deux expériences d'écoute radicalement différentes : deux compositions sonores élaborées, et une archive sonore peu retravaillée. Dans une structure légère enveloppée d'une toile rouge, nous avons accueilli les visiteurs, pour un moment d'écoute de quelques minutes, ou de trois quarts d'heure dans son intégralité. Installée dans le jardin de la noria, rouge au milieu du vert, la tente appelle d'abord l'œil, puis l'oreille. Les enfants sont attirés par cette caverne, par la lumière rouge du soleil traversant la toile. Les parents suivent. C'est le moment de prendre le temps, de se laisser emporter, de découvrir la richesse du son, son pouvoir d'évocation. Pour certaines personnes, c'est l'occasion d'entendre, pour la première fois, le son comme un art. Pour d'autres, c'est la rencontre intime avec une personne, à travers sa voix : Aimée Castain, interrogée par Pierre Martel en 1977, parle à chacun de nous de la vie, de la peinture, et des paysages d'ici.


Témoignage d'un visiteur 
 
« Hier, en repensant à cette belle journée, je me disais que ce que j'avais ressenti en regardant la peinture de Mme Castain, elle le traduisait également, et avec la même sincérité, dans ses propos et dans cette voix que vous avez su faire revenir. Que ce qu'Aimée Castain traduit par sa peinture, à travers des thèmes similaires et un environnement réduit de quelques centaines de mètres, on peut donc aussi dans son cas le comprendre par sa parole et son intonation. Pas si courant. Votre mise en situation nous y aidait, c'est vrai. Avoir rencontré par hasard la voix d'Aimée Castain en arrivant par ce si beau jardin près de votre tente me semble encore irréel. La preuve si il en était besoin que toute action porte des fruits inattendus. »  Antoine B.

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